Sources : Transcription du bulletin des amis de l'institution Saint-Joseph de Roanne (Loire) N°17 en date du mois de janvier 1948. - Extrait.
Plaque commémorative institut Saint-Joseph - Roanne
Lorsqu'Henry nous quitta, en juillet 1943, son baccalauréat remporté sans efforts apparents, il opta pour le droit et les sciences Politiques et il fit une année d'études à Lyon, dans ce climat d'oppression et d'angoisse connu des grandes villes.
Mais avec le sang qu’il avait reçu et l’idéal qui brûlait son âme, il ne pouvait rester à l’écart de la lutte. Dès septembre 44, il s’engage, et non pas sur un coup de tête et dans l’enthousiasme. Quelques jours avant de partir, il disait à sa sœur : « Vois-tu, j’ai bien réfléchi, je crois que pour mon avenir, il serait mieux que je continue le Droit et les Sciences Politiques. Mais je sens que je ne pourrais pas travailler cet hiver en sachant que des jeunes comme moi risque leur vie tous les jours. »
Avec son frère Gérard et son cousin François de MEAUX, il rejoint à MÂCON, l’Armée d’Afrique qui remontait vers l’Alsace et tous trois sont les premiers engagés de France dans cette Armée. Le voilà soldat au 2° Chasseurs d’Afrique, et dès novembre ses chefs l’autorisent à prendre part au combat dans un char.
Plaque commémorative École de Sciences Politiques - rue de la chaise - Paris. Aux anciens professeurs et Élèves morts au champ d'honneur.
Deux mois à peine, et une Citation à l’ordre de la Brigade lui est décernée :« Engagé volontaire pour la durée de la guerre ; le 30 janvier 1945, au cours de l’attaque de Cernay, est sorti plusieurs fois de son char sous un feu violent d’armes automatiques et de mines pour ramasser des blessés et veiller à leur évacuation.
Le 5 février 1945, à MEYENHEIM, au cours de violents combats de rue, a participé à pied à la capture de nombreux prisonniers ».
Il avait écrit aux siens quelque temps auparavant : « J’ai l’impression d’avoir vécu 10 ans en ces 15 jours. J’ai vraiment vu ce que c’était la guerre dans ses côtés héroïques et enivrants, mais aussi dans ses côtés horriblement tristes. Vous aurez d’ici peu la preuve tangible que vos fils ont pris une part active à cette offensive et qu’ils se sont montrés dignes de leur père. D’ailleurs seule compte l’impression d’avoir fait correctement son devoir ».
Pour lui, le devoir, c’est bientôt le grand sacrifice. Nous en savons le tragique et le sublime par un témoin de choix, son Capitaine d’escadron de LAMBILLY, qui écrivit peu après à Madame la comtesse de Brosses :
« …C’est au premier engagement en Pays de Bade, devant BÜHL, que le cher Henry a été blessé, le 13 avril vers 13 heures. Son char Philippsbourg ayant été percé et mis en flammes par un 88, tout l’équipage a été blessé ; le pauvre Henry était touché le plus grièvement : un pied arraché, l’autre en bouillie. Lorsque ses camarades l’ont arraché aux flammes et descendu du char, il n’a pas prononcé une seule plainte ; il était si grièvement touché que ses camarades l’ont cru mort. Ce n’est que lorsqu’il dit d’une voix faible : « Et moi » qu’ils se sont aperçus qu’il vivait encore. Transporté d’urgence à l’hôpital, il a été soigné immédiatement, mais n’a pas pu résister au choc et est mort le lendemain matin.
Je sais par l’Assistante Sociale qui l’a vu à l’hôpital que l’Aumônier a pu lui donner les derniers Sacrements ; il s’est confessé en pleine lucidité.Votre cher Henry, Madame, était un grand Français, très brave, mais c’était surtout un saint. Il communiait tous les dimanches et souvent en semaine.
Vous pouvez être fière, Madame, d’un tel fils. C’était une âme d’élite que j’aurais voulu vous conserver : Dieu en a jugé autrement… »
Monument aux morts de PARIGNY (Loire)
Ancien et nouvel emplacement
À son tour, l’Aumônier du 2° Chasseurs d’Afrique, le Père SCHNEIDER, a écrit à sa mère une lettre qui révèle l’âme de ce jeune de 20 ans.
« … C'était dans les premiers jours de la campagne d’Allemagne. Nous étions arrivés à STEINBACH et le 4° escadron devait attaquer en direction de BÜLH. Un obus perforant tiré de la lisière d’un bois atteint le char du chef de peloton. Tout l’équipage plus ou moins atteint arrive au poste de secours régimentaire qui n’était qu’a quelques centaines de mètres de là. Les voyant arriver, je me précipite. Le docteur s’affaire autour de Henry qui était le plus atteint, pied droit arraché 15 cm environ au-dessus de la cheville, pied gauche, grosse fracture ouverte du talon aux orteils.« Pendant qu’on le soignait, il me fit signe de venir tout près de lui, me dit toute sa joie de me savoir à ses côtés. Il avait conservé toute sa lucidité d’esprit, parlait aussi facilement qu’en temps ordinaire. Son teint n’avait absolument pas blêmi, aucune plainte n’est sortie de sa bouche. Plusieurs fois, il m’a demandé de boire et chaque fois je lui ai donné quelques gorgées de boisson chaude.
« Mon Père, me dit-il (je retrace fidèlement sans ajouter quoi que ce soit), dites-moi franchement, en toute sincérité si ma vie est en danger ? »
« Après avoir consulté le docteur, je lui répondais que son cas était assez grave, mais qu’il avait de grandes probabilités de se remettre.
« Mon Père, je vous prie, ne me cachez rien ! »
« Comme je lui répondais que mon devoir était de lui dire toute la vérité, il me dit en me prenant les mains : « Je ne sais pas ce qu’il va advenir de moi, je voudrais me confesser… »
« Il se confessa très bien, très simplement, comme il faisait toujours ; au moment de la pénitence, comme je lui faisais répéter quelques invocations à Jésus crucifié et à la Très Sainte Vierge, il m’interrompit brusquement et comme poussé par une inspiration divine il fit le sacrifice de sa vie en ces termes : « Tout ce sang qui coule, de mes blessures, tout mon sang, je l’offre pour la France et ma perfection personnelle ». Je ne pouvais que l’encourager dans ce sens…
« À ce moment, les brancardiers vinrent le chercher. Il me demande pendant qu’on le transportait dans l’ambulance d’avertir Gérard, de tout lui expliquer… Et en lui-même à voix basse : « ma pauvre maman, que de soucis, elle va se faire lorsqu’elle apprendra tout cela. »
« Pendant qu’on rangeait les autres blessés dans l’ambulance, quelques instants avant le départ, il me dit encore : « Mon Père, priez bien pour moi » et comme je descendais, il me serra longuement la main en me disant : « Mon Père, dites-moi encore une fois que j’ai bien fait mon devoir de français et de Chrétien et je partirai content. » Et ce fut le départ…
« Là-bas, il a reçu l’Extrême-onction…
« S’il m’est permis de donner mon appréciation, la voici :« Henry est mort en héros et en saint ». Dans toute ma carrière d’Aumônier (et Dieu sait si j’ai vu des blessés mourir entre mes bras en 39 et maintenant), je n’ai rien vu d’aussi beau et d’aussi consolant.
« C’est de l’héroïsme, c’est de la sainteté où je ne m’y connais pas. Puissiez-vous, Madame, au milieu de votre peine immense éprouver cette suprême consolation, la plus douce pour un cœur de mère chrétienne, Française, d’avoir donné un saint à l’Église, un héros à la France. »
Dans son laconisme militaire, une Citation à l’ordre du Corps d’Armée condense tant d’héroïsme haussé jusqu’à l’oubli de soi pour les autres :
« Jeune engagé calme et brave. Le 13 avril 1945, lors du débordement de BÜHL par son peloton, a eu son char mis en flammes par un 88 ; Ayant eu les deux pieds arrachés, a eu le courage de faire soigner ses camarades d’équipages brûlés, avant de se faire panser. »
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