Né le 20 novembre 1925 à DRARIA (Algérie) - Petit village attachant à 10 km au sud-ouest d’ALGER.
Décédé au PECQ (Yvelines) le 14 juin 2005.
Fils de BOISSONNET Henri Joseph (1902-1983) et de MALLEUS Jeanne Marielle (XXXX-XXXX).
Publication 25 janvier 2024.
Chargeur radio sur le SAINT-GERARD - 4° escadron - 3° Peloton.
Village de viticulteurs: Un vignoble de qualité, les vins qu’il produisait étaient très fins en couleur et en degré avec un bouquet qui caractérisait les bons crus.
Le relevé mentionnait 17 noms de soldats morts pour la France au titre de la guerre de 1914-1918.
Démographie 1902. 1467 habitants. Après la seconde guerre mondiale le nom de RIVET Élise - Religieuse (morte au camp de RAVENSBRÜCK) est ajouté.
LES SOUVENIRS DE BOISSONNET Georges Henri. Février
1945. Combats de PULVERSHEIM. Sources Fonds d’Archives familiales.
Note: Le SAINT-GERARD était un blindé affecté du 3ème escadron (Lieutenant COSSEVIN). Le 2ème peloton était commandé par les lieutenants De LOISY (1944) et HAETGENS (1945). Des mutations de chars se sont éventuellement produites lors de la campagne d’Allemagne ?
Mon chef de char était Max VIALE de SIDI BEL ABBES. Le conducteur était Dédé GILLES, des environs de MARSEILLE, conducteur de machines agricoles dans le civil. L'aide conducteur, ESCUDERO, ouvrier boulanger d'ORAN. Le tireur, Loulou IMBERT, ouvrier forgeron à MOSTAGANEM.
Moi, j'étais radio chargeur, c'est à dire que non seulement j'entretenais la communication radio, mais surtout que je chargeais les obus dans le canon et les récupérais après, ce qui était une tâche épuisante et même dangereuse. Je supervisais en outre le fonctionnement et l'entretien des armes de la tourelle.
“Il restait à liquider la poche de COLMAR, ce qui fut fait après un diversion sur PULVERSHEIM. C’est vite dit car cette diversion n’en consistait pas moins qu’à attirer le gros de l’armée allemande par le sud-est, là où nous attendaient les Allemands et leur chef Heinrich HIMMLER, commandant des SS directement sous les ordres de HITLER, tandis que le gros de l'armée française attaquait par le nord-ouest, là où l’ennemi était faible. DE LATTRE était un stratège remarquable. Mais notre mission vu la combativité et la détermination des Allemands en cet endroit, était une mission de desperados, une mission de sacrifiés; comme je le compris à l’évidence.
C’est pourquoi la veille du vingt janvier nous eurent droit à un traitement de faveur. Nous avions pris position en faisant croire que nous étions toute une armée, dans un village furieusement bombardé, en face de PULVERSHEIM, il fallait le faire ! Dans cet enfer, les bêtes, vaches et moutons, couraient dans tous les sens en meuglant et en bêlant.
Le déluge ne cessa pas de jour et de nuit : l’ennemi nous attendait en cet endroit. Eh bien, sous les obus, un camion de l’intendance pour une fois mise à l’épreuve du danger vint spécialement nous apporter à chacun une ration d’un litre d’alcool quasiment pur, sans nul doute pour nous donner le moral nécessaire. C’était la ration du condamné à mort, que personnellement je me gardais bien de toucher, voulant avoir toute ma tête en toutes éventualités.
Toute la nuit assis silencieusement dans le char, nous fûmes bombardés par cinq automoteurs Rhinocéros, du très gros gibier. Ils avaient des viseurs à infrarouge, et comme nous étions contraints de faire tourner le moteur toutes les demi-heures pour empêcher qu’il ne gèle, nous étions une cible facile sans pouvoir riposter.
Note: Le Nashorn (littéralement Rhinocéros) chasseur de char allemand. Son moteur placé vers l’avant, permettait d’installer à l’arrière une véritable chambre de combat, son blindage non trempé (pénurie d’acier en Allemagne) le rendait néanmoins vulnérable.
Il existait également un blindé américain (Sherman M4A4) surnommé « Rhinoceros (diminutif « Rhino ».
C’était une longue nuit glaciale, sans boire ni manger ni fumer. Sans cesse parvenait de la radio des chars voisins un petit air lancinant joué à l’harmonica. Cela nous réchauffait le cœur. Nous avions un moral de fer, surtout lorsque la grange sous laquelle nous étions abrités s'effondra sous obus dans le plus grand fracas et qu’une manne de gravats et de pierres dégringola sur nous pour s’élever jusqu’à la tourelle du char.
À l’aube les tank destroyers du 5ème chasseurs, postés à l'entrée du village, se retirèrent. Ils n’avaient rien pu faire pendant la nuit contre le Rhinocéros. Un déluge de Mines werfer s’abattit sur nos positions.
Note: Le Minenwerfer (littéralement « lance mines » pièce d’artillerie légère allemande largement utilisée durant la 1ère guerre mondiale. Précurseur du mortier.
Nous étions seuls en lice. Il fallait se remettre en ordre de bataille, et qui passa bêtement en tête de tout l’escadron, oriflamme déployé avec l’implacable devise “œil pour œil, dent pour dent” ? Ce fut le SAINT GERARD, notre char bien sûr, commandé par Max VIALE qu’on désignait d’office pour être char de pointe chaque fois qu’il allait y avoir un vrai coup dur.
L’infanterie s'avança d’abord. Ils eurent un sacré baptême du feu : ils étaient cloués au sol par un feu d’enfer infranchissable et durent bientôt se replier en emportant les morts et les blessés sous les obus. J’eus comme un haut le corps, une seconde de peur indicible, vite surmonté dès que je me mis à huiler tranquillement une centaine d’obus glacés qui sans cette précaution ne pouvaient jamais entrer dans le canon gelé.
Il y avait maintenant devant nous un chemin qui menait tout droit à PULVERSHEIM tout proche jalonné de ruines des bombardements, au bout un formidable blockhaus hérissé de canon de 88, les plus redoutables de cette guerre, qui pouvaient nous atteindre aussi facilement qu'une vache dans un couloir. Nous étions sous un déluge d’artillerie, tellement nourri que je croyais que les Américains protégeaient notre avance et que je lançais à la radio « cessez de tirer, bon Dieu, vous nous empêchez d’avancer ! » Mais il n’y avait pas d’Américains dans les parages, les Allemands étaient tout aussi puissamment armés.
Nous avançâmes à toute allure, mais ce fut aussitôt un duel interminable avec les 88 antichars. Max, debout sur la tourelle, ordonnait à l’interphone : “En arrière, en avant, à droite, à gauche, et les obus nous manquaient à chaque fois, passant si près que, sous le souffle, nos vêtements se gonflaient.
Dans cette situation le chef de peloton en 5ème position en arrière appela Dieu. Je n’ai jamais su qui était Dieu à l’indicatif radio secret. Notre supérieur direct y alla franchement : “Si j’envoie un char contre le blockhaus, il sera détruit à coup sûr !” Alors Dieu répondit aussitôt d’une voix terrible, coupant court à toute réplique : “Vous m’emmerdez, je ne vous demande pas votre avis, je vous ordonne d’attaquer”.
Alors nous attaquions après nous être abrités un instant derrière un pan de mur en ruine où je pus examiner calmement la situation avec Max : fallait il aller à droite ou à gauche. Je préférais la droite, où nous aurions été pris de flanc, ce qui était suicidaire. Max ordonna d’aller à gauche, vers la forêt où nous fonçâmes comme par miracle, abattant les premier arbres et tirant sur tout ce qui bougeait.
Mais, dans la forêt, il y avait les lances grenadières (infanterie spéciale antichar) qui nous attendaient dans les clairières. Les Panzer Faust (fusées antichar) passaient au-dessous de nous sans nous atteindre.
Note : Panzer Faust : Lance-roquette allemand destiné à la lutte antichar.
Max, debout sur la tourelle, abattait à la mitraillette les Panzer grenadiers gelés dans leurs foxholes, par groupes de six. Je lui passais sans cesse mitraillette approvisionnée et armée.
Note: Foxholes :Trou - Terrier.
CERNAY 1944. 4ème Escadron. 1er Rang de Gauche à Droite VELEZ. LAROCHE. VIALLE (sous réserve). TERRIER. ROUGÉ. X. DESAIRE. CHAGNON. BENES. CAGNARD. 2ème Rang de Gauche à Droite. X. BOISSONNET. X. X. X. X. X. GARCIA (Auguste). BIRAT. ARNOLD. BALZER. X. Photographie. Source DESAIRE Alfred.
Un instant nous nous arrêtâmes, et , je ne sais pourquoi, Max fit monter sur le char un Allemand désemparé. Aussitôt un obus tomba sur l’Allemand et le tua, épargnant Max qui le frôlait. Alors les Oranais, dans les chars qui suivaient, se séparèrent, et la chevauchée reprit de plus belle, rasant tout sur son passage
Sans relâche je chargeais les obus dans le canon, le front appuyé au toit de la tourelle, à grands coups de maillet, rattrapant ensuite les douilles chauffées avec mes doigts nus car on ne pouvait pas travailler avec des gants. Tout autour de moi dans la tourelle, au milieu d’un tas de douilles, se répandait une fumée épaisse et une odeur de soufre, et la poudre retombait un peu partout.
Mais l'ennemi ne tarda pas à s’enfuir dans toutes les directions dans la plaine. Je n’arrivais guère à faire épargner quelques fuyards qui couraient éperdument entre les balles traçants de nos mitrailleuses, car Loulou DALENT Le tireur les achevait d’un coup de canon.
Note: Loulou DALENT. Interrogation ? est-ce que durant les combats de PULVERSHEIM, IMBERT Louis dit également « Loulou » a été remplacé par un autre tireur ?
C’est seulement à la tombée de la nuit après maints épisodes trop long à raconter, ou nous l’avons échappé chaque fois de justesse, que nous entrâmes dans PULVERSHEIM contourné par un raid de cavalerie classique. Tandis que l’infanterie, qui s’était ressaisie, ne voyait pas le village. Le commandant allemand de la place, grièvement blessé mais en grand uniforme avec ses médailles, passa devant nous dans un petite carriole poussée par un fidèle soldat. Je fus ému de compassion à la vue de ce chef valeureux que nous avions pourtant vaincu. "
Note: Le 4ème escadron du capitaine de LAMBILLY mis à la disposition du Colonel commandant le 21ème Régiment d’Infanterie Coloniale, s'empare en fin d'après-midi de PULVERSHEIM. Il capture après la fin des combats de 150 prisonniers.
Nous nous arrêtâmes au milieu du village. Mes camarades mirent pied à terre me prévenant qu’ils avaient descendu aussi mon paquetage. Je restais seul dans la tourelle à nettoyer toute cette poudre et à essayer de réparer une mitrailleuse légèrement endommagée. Quand je descendis plus tard et que je cherchais à tâtons mon paquetage dans la nuit je ne tombais que sur des cadavres raidis par le froid et la mort. Que Dieu ait leur âme ! Je rejoignis une maison réquisitionnée d’office, où le peloton s’était installé.
Nous n’avions ni mangé ni dormi depuis je ne sais combien de temps, mais il nous restait le moral.
Bientôt, au creux de la nuit, vint mon tour de garde. Les tirs de mortiers étaient si violents et si puissants que j’y voyais comme en plein jour, mal abrité sous l’arrière du char, où je restai pendant plus de deux heures, trois heures, je ne sais, parce que personne ne pouvait venir me remplacer sous ce déluge. Enfin un de mes camarades se manifesta. Je retournai à la maison qui avait à sa porte un système de fermeture archaïque. A l’instant où j’allais tirer la chevillette un obus lumineux l’emporta. A une fraction de seconde près j’aurais eu la main arrachée.
La bataille de COLMAR étant terminée, je fus désigné pour suivre un entraînement spécial à l’école des cadres de ROUFFACH. J’obtins le grade de brigadier de cavalerie.
Le déclenchement de la campagne d’Allemagne se précisait . Je restai à SELESTAT pour garder le Saint Gérard en panne d’embrayage. C’est ainsi que j’ai échappé à la bataille de PFORZHEIM en Allemagne, où le régiment perdit treize chars et où Max Viale fut salement blessé au bras.
Photographie. Pforzheim 1944. Sources BOISSONNET Georges.
Mais je m’impatientais. Je me résolus d’aller seul à Strasbourg au centre de réparation du matériel où, tout jeune blanc-bec que j’étais, je persuadais les responsables de venir réparer mon char à SELESTAT : puis de le transporter à travers la Forêt Noire sur un énorme port chars pour retrouver mon régiment. On nous laissa quelque part en Bavière, Il n’y avait pratiquement plus de résistance. L’ennemi laissait passer les Occidentaux pour mieux résister à l’Est, jusqu’à la bataille de BERLIN, qui fut plus acharnée qu’à STALINGRAD.
Après bien des péripéties, nous avons rejoint notre régiment, trouvé comme une épingle dans une botte de foin. C’est aux abords du Danube que nous avons rencontré de curieux individus squelettiques en tenue rayée. C'étaient des rescapés d’un camp de concentration récemment libéré.
Après la campagne d'Allemagne BOISSONNET Georges Henri rejoindra le centre de démobilisation de COLMAR (Alsace).
Il Retourne, en Algérie (ALGER) et emménagera en région parisienne au PECQ (Yvelines) après 1962, ou il deviendra professeur de langues.
BOISSONNET Georges Henri est Inhumé au cimetière communal de SAINT GERMAIN EN LAYE (Yvelines) - Sous réserve.
Photographie - Sources. BOISSONNET Georges.
Rédaction en concertation avec son petit fils DELAHAYE Louis.








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