20221110

42- 26 Avril 1945 - ÜBERACHEN.


Actualisation 8 mai 2023.

26 Avril 1945.  Bade - Wurtemberg - ÜBERACHEN.

Nous arrivons à BLUMBERG, premier point de l’intérieur de patrouille qui en comporte 5.  Nous cassons la croûte et nous partons renseignements pris, au village suivant. UBERACHEN, mille à deux mille soldats de la Wehrmacht sont rassemblés et ne demandent qu’à se rendre… dans la plaine nous trouvons deux »boches » qui fuient, complétement affolés par quelques centaines de balles de mitrailleuses tirées dans leur direction, ils sont maintenant à plat ventre, dans un labouré, digne de la meilleure démonstration en école militaire.

Je leur crie d’approcher, ils arrivent en tremblants, les gars du peloton de choc descendent de la plate-forme des chars et les font avancer. Je les interroge, ils me répondent qu’ils ont quatre camarades cachés dans les bois qui ne demandent qu’à se rendre, mais ils ignorent s’il y a ou non du monde au village. Plein de confiance le peloton continue sa route.

Dans le petit bois, personne ! Quelques chevreuils broutent en paix, une rafale de mitrailleuse les faits déguerpir au triple galop.

Nous arrivons à l’orée du bois, la route taillée en corniche, domine le village, en bas dans la vallée. Sur la petite colline en face « les boches » avec lesquels nous avions pris contact, fuient, éperdus.

Quelque chose ne va pas nous semble-t-il, le village que nous surplombons encore paraît trop désert, personne dans les rues, personne aux fenêtres, pas de drapeaux non plus, ni de draps qui pendent aux murs ! Tout à coup un signal est donné, les balles de mitrailleuses pleuvent autour de nous et les canons de 20 mm crachent aussi leurs rafales. 

Nous avons retrouvé le contact avec l’armée et le village s’apprête à résister en force.

Immédiatement ERADES et moi, nous fermons nos volets et nous nous enfermons dans la « cage » ; POISSON manœuvre sa tourelle et commence à arroser un peu dans tous les azimuts avec la mitrailleuse en un mouvement quelconque. Dernière nous, le LION et le Half-track de la « Biffe » font feu de toutes leurs armes vers le village où nous continuons à descendre.

L’accueil est parfait, l’orchestre est au grand complet et tous les instruments donnent le maximum. Tout ce qui est armes à feu nous tire dessus.

Chaque char et chaque véhicule prennent position devant le mur d’une maison. Le bruit est infernal. Les balles traçantes dessinent dans l’air de sinistres feux d’artifices.

Les gars du peloton de choc qui nous accompagnaient sur la plate-forme des chars entrent dans une maison et font une vingtaine de prisonniers qui se trouvaient à l’intérieur, ils les font sortir de la maison, leurs camarades, impitoyablement continueront à tirer.

Comme un ennui n’arrive jamais seul, à peine avons-nous pris position contre la maison que notre moteur gauche, catastrophe, s’arrête. Il nous faut manœuvrer pour le faire partir. A peine l’avant du char dépasse-t-il l’angle de la maison que des salves de 88 et des rafales de mitrailleuses nous accueillent et nous forcent à faire marche arrière.

Les Zouaves qui nous accompagnent, sous cette avalanche de feu, sont affolés, ils n’arrivent plus à mettre leurs mortiers en batteries, leurs lieutenant hurle pour se faire entendre et obéir, nous risquons de nous faire encercler complètement et exterminer.

MAUPILLIER descend du char. Il n’y remontera plus…

Il pénètre dans laquelle nous nous sommes arrêtés pour tâcher de voir ce qui se passe derrière la maison. Par une fenêtre, il voit les « boches » à quelques mètres de lui, il décharge sur eux le chargeur de sa mitrailleuse, à bout portant, puis il revient au char prendre des chargeurs et demande à ce que les zouaves mettent une mitrailleuse en batterie dans la maison, dix minutes s’écroulent avant qu’ils n’arrivent enfin à la porter, sans trépieds qu’il faudra encore attendre encore !

Enfin elle est en place et il fait tirer par rafales pour nettoyer l’abord immédiat de la maison. Lui-même de temps à autres tire un chargeur, devant la fenêtre il se fait repérer. Il reçoit en pleine poitrine une balle explosive qui ressort dans le dos… il revient vers le char, les yeux étrangement ouverts remplit d’épouvantes, il fait quelques pas encore et s’affale un peu à l’arrière du char sur les genoux, le front contre terre, les mains écartées… POISSON descend du char, le retourne sur le dos.

MAUPILLIER Joseph René Fernand (1919-1945). Sources photographie - Carnet de route MEYERE René.

Je file avertir notre chef de peloton (nos radios sont »détraquées) dont le char est arrêté à quelques mètres derrière nous, il n’a rien vu dans cet espace de cauchemar que nous vivons depuis des heures. Dès que je mets le pied à terre, on me fait l’honneur d’un feu roulant, mais je cours si vite que rien ne m’atteint, le retour au char est aussi rapide

De retour dans le char, nous continuons, la mort dans l’âme, POISSON et moi, à tirer sur l’angle de la maison, pour couper court à une manœuvre d’encerclement par la droite.

Les obus « boches » détruisent un pan d’une étable qui se trouve sur notre droite, les pauvres vaches en sortent en meuglant pitoyablement ! Une bonne partie tombent d’ailleurs, atteintes par les balles qui sifflent partout, les autres affolées ruent, se cabrent sans savoir où aller.

Que faire ? La pluie de feu et de fer n’a pas cessé un moment de s’abattre sur nous et le char ne marche toujours pas ! Je monte dans la tourelle, à la place de MAUPILLIER et je bas sans arrêt, à la mitrailleuse, le coin de la maison, devant ce rideau de feu continu…

Notre situation ne peut durer, je recommande mon âme à Dieu, en une courte prière, je deviens alors d’un calme étrange… POISSON descend du char et va voir l’adjudant-chef, il faut tâcher de reprendre la route par laquelle nous sommes arrivés sinon nous allons tous être massacrés.

MAUPILLIER -ERADES- MEYERE- POISSON. Photographie collection privée MEYERE René.

Prudemment, je guide ERADES qui fait faire un demi-tour au char, la manœuvre est extrêmement difficile : Devant nous, le coin de la maison à ne pas dépasser, derrière nous MAUPILLIER que nous ne voulons pas écrase, et nous n’avons qu’un moteur ! Un char du PC qui était avec nous, nous remorque un moment, le 2ème moteur se remet en marche, sporadiquement.

Les Zouaves aussi manœuvrent leur véhicule pour repartir, leur lieutenant collé à un Halft Track les guide, en reculant, le Halft Track heurte un poteau, le casse, en tombant sur le véhicule, sa main est broyée, il hurle de douleur.. un officier lui fait un bandage garrot.

Plus que jamais, l’enfer s’abat sur nous.

Le long convoi se reforme sur la fameuse route en corniche, une vingtaine de prisonniers partage notre sort. Le BELIER, en panne, est en tête, nous avançons à une allure de tortue. Toutes les pièces ennemies du village nous tirent dessus… de notre côté, les tourelles braquées sur la droite, nous faisons un feu roulant en direction du village ; canons et mitrailleuses jumelés tirent sans arrêt…

La mêlée est indescriptible, prisonniers et zouaves courbés en deux, marchent du côté gauche, à l’abri des chars.

Un cri ERADES est blessé à la joue, le sang ruisselle sur son visage, POISSON se glisse à la place de l’aide conducteur, mais Christophe continue de conduire… Mon Dieu quand serons nous enfin à l’abri du feu direct.

SOURCES : Mémoires de MEYERE René (Carnet de route pages 82 à 87). Membre de l’équipage du char Bélier.

Le lendemain, les Spahis du 4ème Marocains prendront le village et les fuyards. 

SOURCES : Ouvrage « L’Armée d’Afrique dans la libération de la France 1944-1945 - Association du souvenir de l’Armée d’Afrique - Page 166).

BLÜMBERG. Retour du détachement BEAUSSIRE en provenance d’ÜBERACHEN. Le bilan de l'embuscade est lourd, on compte de nombreux tués et blessés, il a laissé sur place du matériel et notamment deux half-Tracks. 

À son arrivée, il est renforcé par le peloton de choc QUENTIN.

Le peloton du lieutenant DELRUE précédemment mis à la disposition du capitaine FAUGERE du 2ème Zouaves (combats de LAUSHEIM) rejoint à EWATTINGEN, le 4ème escadron du capitaine De LAMBILLY.

Ce dernier est rattaché au groupement LAURENT.

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