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1942 Novembre - Décembre 1942 - Tunisie. SIDI BOU GOBRINE.


Au lendemain, du débarquement de novembre 1942 en Afrique du Nord, dans des conditions précaires, l’Armée d’Afrique va jouer un rôle capital avec des moyens dérisoires et ainsi gagner la considération des Alliés.

Jérôme LEYGAT (Campagne de Tunisie 1942 – 1943.

Pour prix de cette victoire, les Alliés ont perdu environ 75 000 hommes : 11 000 tués, 40 500 blessés et 24 000 disparus. On dénombre 19 400 pertes chez les Français, dont de 2 100 à 4 500 tués. 

Sources : Benoit RONDEAU – Historien.


Actualisation 30 Avril 2023.

La campagne de TUNISIE. Son histoire étrangement ignorée aujourd'hui marquera pourtant la renaissance de l'Armée française après trois années d'humiliation.

NOTE; Cette bataille acharnée sera aussi longue et dévastatrice que la bataille de Stalingrad et signalera à sa suite, selon les mots de CHURCHILL. 

Général Louis KOELTZ - Une campagne que nous avons gagnée : Tunisie 1942-1943.

18 - 21 Novembre 1942. CONSTANTINE (Algérie).

Un détachement du 2ème Régiment de Chasseurs d’Afrique commandé par le lieutenant-Colonel LODIN De LEPINAY Yvan est mis à la disposition de la Brigade Légère Mécanisée du général Du VIGIER  Jean (XIX corps d’Armée) pour la campagne de Tunisie.

Le détachement est composé d’un État-Major, des escadrons Hors-Rang (Capitaine De TARRAGON Léon), d’anti-char (capitaine DEHOLLAIN) et un escadron de porté (Capitaine VIE Michel), de deux pelotons d’Auto-Mitrailleuses Witte Lafly (Capitaine ANDRE Jacques) et de deux pelotons de chars (Capitaine Du BOISPEAN).

Dans la nuit du 20 au 21 Novembre 1942, le détachement quitte ORAN et AIN TEMOUCHENT pour se rendre en train à CONSTANTINE.

SOURCES : Extraits Ouvrage 2ème Régiment de Chasseurs d’Afrique au combat 1942 - 1945 - Page 11.


Nous apprenons qu’il faut préparer notre départ pour la Tunisie que les allemands et les italiens ont occupée depuis le débarquement « du 8 novembre 1942 »

C’est la joie, nous récupérons tout notre armement auprès des américains, nous transformons les véhicules qui fonctionnaient à l’alcool et enfin nous embarquons le 21 novembre  dans le train qui doit nous amener en Tunisie.

 Le confort y est relatif. Le voyage est très long mais le moral est au beau fixe et il nous arrive parfois de bien rire.

 Le voyage se termine à OUED RAHMOUN au sud de CONSTANTINE où les véhicules sont débarqués pour faire route sur SBIBA, sur SBEITLA et par la suite sur HADJEB EL AIOUN où s’installera le PC du colonel DE LEPINAY.


Malheureusement notre arrivée en TUNISIE coïncide avec celle des pluies et les routes sont impraticables. Le peloton de SAINT TRIVIER reste prisonnier des eaux pendant deux jours. La progression est lente et nous ne prenons possession du col de SIDI-BOU GOBRINE que le 14 décembre 1942.

J’appartiens au peloton de commandement du capitaine VIE, en tant que responsable des agents de transmission. Je dispose en outre d’une excellente moto Gnome et Rhône civile à deux cylindre »flat-twin » dont malheureusement les deux garde-boues sont trop près des pneus et la boue qui s’y entasse bloque les roues tous les dix kilomètres m’obligeant à m’arrêter pour la dégager.

Les pelotons se sont installés sur les versants qui bordent la route en direction de SIDI-SAAD, le peloton De NAUROIS avec un mortier de 81 occupe la crête N.N.O, et le peloton de SAINT TRIVIER le versant S.S.E.

Le peloton de canons de 25 mis à la disposition de l’escadron et un canon de 47 servi, je crois, par des artilleurs tiennent la route de SIDI-SAAD.

J’installe, sur les ordres du capitaine, un observatoire sur la crête Sud qui domine le col : Il offre des vues sur SIDI-SAAD et sur toute la plaine de KAIROUN.

Le PC du capitaine VIE dispose d’une mechta (1) vide et que l’adjudant d’escadron NAUDIN a bien voulu me laisser une petite place dans une baraque en dur où il loge avec sa chienne SULTANE à condition que je l’escorte durant les rondes de nuit qu’il doit assurer tous les trois à quatre jours.


Ce confort relatif me satisfait mais hélas les conditions de vie sont très dures pour les pelotons de combat qui ont creusé des abris dans le sol, mais la pluie, le froid et les poux ! Les rendent bien malheureux, toutefois le moral est excellent.

Quelques jours après notre arrivée, un lightning P38 (chasseur américain à double fuselage) vient abattre au-dessus de nos têtes un avion allemand qui va se « crasher » dans nos lignes, à quelques centaines de mètres du col. J’enfourche ma moto et suivi par un véhicule armé nous nous portons vers l’endroit où l’avion est tombé.

Nous le découvrons fumant, abandonné hélas, par ses deux occupants qui ont probablement réussi à gagner le tunnel du chemin de fer assez proche par lequel ils ont pu rejoindre leurs lignes, car toutes les recherches entreprises sont restées vaines.

Peu après cet incident… grosse émotion ! De l’observatoire nous parvient un coup de sifflet, suivi de signaux à bras signifiant : « alerte chars ».

Le capitaine VIE se rend immédiatement près du canon de 47 afin que celui-ci n’ouvre le feu que sur son ordre car il veut ne faire tirer qu’à coup sûr.

Les deux blindés allemands, des AM ont stoppé et observent attentivement le col. Nous sommes tous sous nos gardes, les cœurs battent très vite… mais la tentation est trop forte pour le brigadier-chef CAILLOCHE qui tient sur sa ligne de mire le buste sorti de la tourelle l’un des chefs de blindé qui observe le col… il lâche malheureusement une rafale de FM ! Et rate sa cible ! Catastrophe ! Notre présence est dévoilée et les AM se replient en lâchant de longues rafales de mitrailleuses sur les crêtes où se trouvent nos pelotons.

Vitrine des uniformes des soldats de la Campagne de TUNISIE
Musée de l'Armée Invalides.

Notre préposé au mortier de 81 FORTIER QUENTIN les accompagne avec quelques obus.
Les allemands savent maintenant que le col est tenu et nous avons raté une belle occasion de faire un beau carton. Ce n’est que partie remise.

Quelques jours plus tard, une patrouille commandée par BILLY surprend trois italiens, (éclaireurs d’une patrouille plus importante) qui se promenaient l’arme en bandoulière vers la ferme de SAMPIGNY située en bas du col de BOU GOBRINE.

Ils sont faits prisonniers. BILLY qui dispose d’une douzaine d’hommes décide de retourner au col car il se sait inférieur en nombre par rapport aux italiens qui progressent vers la ferme.
Il part en tête avec les prisonniers et trois ou quatre chasseurs, couverts par le FM de Gilbert LEROY. BILLY tient une grenade dégoupillée dans la main !! -quelle idée- qui lui échappe en sautant un obstacle.

L’explosion surprend alors l’élément de couverture. Tous se retournent pour se rendre compte de ce qui se passe, G. LEROY aperçoit à plus de cent mètres, un des prisonniers italiens couchés sur le sol qui le regarde en fouillant dans sa poche. Il se croit menacé et lui tire dessus pendant que le tireur du FM qui a retrouvé son arme, lâche une rafale…

Plus de peur que de mal. Tout le monde rejoint le PC de l’escadron et il est probable que le prisonnier qui écrivait sur son carnet de route en s’adressant à sa fiancée : «oh Carissimi Mia» a dû mettre longtemps pour se remettre de ses émotions.

L’inaction me pèse, aussi, ayant entendu le capitaine VIE exprimer ses craintes de voir les allemands ou les italiens s’installer dans la ferme du Russe si cela n’est pas déjà fait, je décide de lui demander l’autorisation de m’y rendre avec une petite patrouille pour nous assurer de la présence ou non des allemands.

Après quelques réticences, le capitaine sachant que j’ai déjà eu le baptême du feu en SYRIE, m’autorise à organiser cette petite mission de reconnaissance.


La ferme du Russe se trouve à environ 3 kilomètres du col de BOU-GOBRINE. Une petite patrouille est constituée avec quelques éléments du PC dont j’ai oublié les noms en dehors de celui d’AMINE ALLAH. Pas de FM, notre armement individuel seulement et quelques grenades.

Entente préalable avec les éléments qui tiennent la route, convention des signaux lumineux pour le retour et nous voilà partis en pleine nature sur un sol relativement facile à la marche dans l’obscurité.

Dessin du Brigadier-Chef G. RATABOUL
Sources : 2°R.C.A au combat.

Au bout d’une demi-heure un fait banal nous procure une belle émotion. Alors que nous franchissons un petit oued, il se produit un frou-frou accompagné de sifflements qui provoquent en nous, une décharge d’adrénaline telle, que nous sommes figés sur place et qu’il nous faut trois à quatre secondes pour réaliser ce qui vient de se passer.

C’est tout simplement du gibier à plumes qui vient de s’envoler, des perdreaux des canards ?… nous ne le saurons jamais…

Nous reprenons notre progression avec toutes les précautions d’usage pour ne pas nous faire déceler par le bruit de notre marche ou par des silhouettes un peu trop proéminentes.
N’y a pas de lune et l’obscurité règne, nous arrivons enfin au muret qui borde la ferme. 

J’envoie trois éclaireurs qui sont chargés de rechercher la présence éventuelle d’engins blindés dans la cour. Après quelques secondes l’un d’eux vient me dire doucement dans l’oreille :


« Il y a un char à bancs dans la cour » Pendant trois secondes, je ne retiens que le mot « char » et mon émotion est plus forte puis… je réalise qu’il s’agit d’un véhicule hippomobile sans importance. Me voilà rassuré.

AMINE ALLAH nous rejoint à son tour accompagné d’un domestique agricole qu’il a intercepté. Ce dernier tremble de peur et nous jure qu’il n’y aucun allemand ou italien dans la ferme et qu’ils n’y sont jamais venus.
Je veux en avoir le cœur net et ordonne de fouiller la ferme pendant que j’interroge le propriétaire, « le russe ».

Le fait de savoir qu’il était russe m’a peut-être conduit à une certaine sévérité dans l’interrogatoire tout en restant correct dans mes actes, mais, cinquante ans après, je pense qu’il aurait été préférable d’être un peu plus conciliant pour m’attirer les bonnes grâces éventuelles de ce fermier, au lieu de le menacer des pires représailles s’il nous avertissait pas à l’avenir de la venue de patrouilles de nos ennemis ou de l’occupation de sa ferme par ces derniers.

Il n’y a dans la ferme, ni allemands ni italiens et nous pouvons retourner au col avec les mêmes précautions qu’à aller.

Après une heure de marche prudente nous sommes à l’entrée du dispositif de défense du col où nos signaux lumineux convenus sont reconnus et nous permettent de rejoindre sans encombre le PC du capitaine VIE à qui je rends compte du résultat. 

Mémoires PENICHOT Robert - Membre du 1er Escadron - Président - Fondateur de l’association des anciens et de l’Amicale des Vétérans du 2ème Régiment de Chasseurs d’Afrique - Bulletin de l’Association Janvier 1993.



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