20241219

1945.01.30 CERNAY - THANN

Le 4ème  escadron était arrivé à THANN au prix de nombreuses difficultés les chars ayant dû traverser de vastes hauteurs boisées dans plus de 50 centimètres de neige, et descendre dans la plaine par un étroit chemin en lacets.

Actualisation Janvier 2025

Vers 21 heures, le Capitaine avait rapporté du Grand P.C. l'ordre d'attaque pour le lendemain et donné ses instructions aux officiers, sans cacher que ce serait dur. Chacun était allé procéder aux derniers préparatifs et profiter des quelques heures de sommeil qui lui restaient encore.

NOTE : Le 4ème escadron du 2ème Régiment de Chasseurs d’Afrique est commandé par le capitaine Amaury de LAMBILLY

30 Janvier 1945. L'aube n'est pas encore levée que les pelotons s'ébranlent, traversant VIEUX-THANN en ruines. Empruntant la route de CERNAY, ils gagnent le P.C. de la Compagnie de Tirailleurs, avec laquelle ils doivent opérer. Déjà, quelques coups de feu partis des crêtes nord, martèlent nos blindages, une balle traverse la cuisse d'un des hommes du peloton de choc montés sur les chars et deux autres viennent s'écraser, après ricochet fort heureusement sur le casque du Lieutenant HAENTJENS.

NOTE : Le lieutenant Jacques HAENTJENS chef de char de l’Austerlitz II.

À 6 heures 30, la liaison est prise avec la compagnie les unités gagnent leur base de départ. Le peloton COQUART déboîte sur la droite avec une section, pour mener l'attaque le long de la THUR le peloton HAENTJENS avec une deuxième section débouchera sur l'axe, et le peloton COQUILLEAU, embossé plus en arrière, couvrira de ses feux leur progression.

Le jour commence et l'on peut apercevoir, tout au fond de l'immense tapis blanc les lisières de CERNAY l'heure H ne va pas tarder..

Soudain, tout s'éveille, les moteurs vrombissent, les monstres rugissent et le feu répond au feu...l'attaque est déclenchée.

Malgré les traces de nos chenilles, les tirailleurs ont de la peine à suivre, la neige leur arrivant au-dessus des genoux, et l'ennemi sournois qui les guette, les frappe, un par un, dans le dos.

Il fait - 25° transis de froid dans leur carcasse d'acier, leur regard rivé aux périscopes, les chasseurs surveillent et mitraillent les points suspects.

Brusquement, la radio se fait entendre : "Allô, Nicolas, sommes en O.I., mais mon véhicule vient de sauter sur une mine, envoyez moi le Castiglione pour me remorquer".

NOTE : Le Castiglione a été détruit le 26 novembre 1944 à HEIMSBRUNN (Haut Rhin), il s’agit à CERNAY du Castiglione II

"Compris".

D'ailleurs, les équipages peuvent voir, devant eux, le Rivoli immobilisé près de la route, mais appuyant de ses feux le Marengo qui a atteint les premières maisons de CERNAY.

On se croirait plongé dans un mauvais rêve tant le drame est affreux, de la masse grouillante d'amis, qui, tout à l'heure, marchait dans le sillage des chars, on ne voit plus que quelques taches brunes maculant çà et là l'immense tapis blanc : formes à peine distinctes, enfouies dans la neige, ou moribonds rampant vers l'abri le plus proche.

Remontant le peloton, le Castiglione passe.. De l' Austerlitz, le Lieutenant crie à l'Aspirant de "FAIRE VITE", puis après avoir jeté un coup d'œil sur la gauche, déclenche une bourrade dans le dos de son tireur.

"Attention, regarde... tiens, là, sur la crête, près du pylône... tu ne vois pas les Fritz ? Ces c… là ont leur capuchon blanc."

"Vu, mon Lieutenant, BENES, prépare un explosif" répond le père BIRAT.

Et le canon mène la danse.

Pourtant la radio couvre le vacarme.

"Allo, URSULE, de RAOUL, éléments de tête près de la fabrique je n'ai presque plus de fantassins et les fusils sont gelés. "

Dehors, les Minen pleuvent, de partout et les éclatements entourent nos chars de petites cuvettes noires.

Sur nos arrières, les tubes du peloton COQUILLEAU crachent sans arrêt sur les hauteurs nord.

Dans cet enfer de feu, il se joue pourtant une partie serrée le remorquage du Rivoli. À peine le Castiglione est-il arrivé près de lui, que l'aide conducteur CAGNARD, d'un bond, saute à terre ; puis, très calmement, sans s'occuper des six cadavres amis couchés le long des galets, il décroche son câble et l'arrime.

Quelques Fritz, attirés par ce bel appât, se glissent, en rampant vers les chars pour les détruire, mais l'œil vigilant du chef LAROCHE aperçoit le danger et, une seconde après, un violent coup de canon projette en l'air quelques membres humains, tandis que deux boches, devenus à demi fous, viennent se rendre en hurlant. Puis, tels deux frères, dont le plus âgé, blessé à la jambe, s'appuierait sur l'épaule du plus jeune, le Castiglione emmène le Rivoli.

NOTE. Le Maréchal des Logis Chef LAROCHE – Chef de char du RIVOLI

Maintenant, il ne reste plus que deux équipages dans le peloton, deux équipages qui fouillent la plaine et ne peuvent détacher leurs regards des malheureux blessés qui disputent au froid un souffle de vie. Marengo et Austerlitz crachent de temps en temps sur ce maudit fossé anti-char où des ombres semblent bouger.

Faute de renfort, on ne peut plus avancer et les deux pelotons stoppés à la même hauteur s'appellent l'un l'autre pour tuer le temps. "Allô, Raoul, rien de neuf ?. "

"Non, je n'ai plus de fantassins, le Prague vient de se faire bazooker, heureusement dans le barbotin, et on attend sur place."

"Ici, même topo, terminé."

On attend, mais quoi ? Ah, faire quelque chose, si seulement on pouvait balayer ces hauteurs et en chasser les salopards qui l'occupent.

C'est la mission qui, dans l'après-midi, est confiée au lieutenant HAENTJENS, mais, ni l' Austerlitz ni le Castiglione ne peuvent atteindre la cote 425, Les chenilles refusant de mordre dans la neige.

Et les heures passent, tout semble fini...seul, le crépitement de quelques incendies trouble encore le silence de mort qui plane maintenant tout autour des chars.

La nuit descend, enfin..

Soudain, poussés dans un élan irrésistible, quelques chasseurs sautent à terre, ils courent disputer à cette plaine qu'ils maudissent les camarades qu'elle leur voulait ravir puis, lentement, avec une délicatesse extrême, ils ramènent les blessés et les étendent à l'arrière des chars sur les bâches.

Écœurés par la tragédie qui s'est jouée tout le jour sous leurs regards impuissants, on eut dit que les équipages s'étaient donné le mot "Non, ils ne les auront pas".

Deux pelotons s'enfoncent maintenant dans la nuit. Ils ramènent chacun une vingtaine de blessés, roulant très lentement, pour ne pas secouer leur précieux fardeau dont l'un d'eux, Capitaine Médecin du Bataillon, repose de son dernier sommeil sur le char Austerlitz

Sources; Le 2ème Régiment de chasseurs d'Afrique au combat 1942-1945

Parmi les victimes de la journée du 30 janvier 1945, on identifie deux hommes du 2ème Régiment de Chasseurs d'Afrique. Morts au combats lors des assauts de CERNAY Beaubourg de BELFORT ou THANN ? 

NOTE: SALVO Jean Louis Paul (1925) et BOURKEHECHE Tayeb Ben M'Hamed (1919)

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